Revoir la pertinence des sites web de nouvelles
Tous les sites web traditionnels voient leur importance remise en question par les nouveaux modes de consommation, et les news ne font pas exception.
Internet sans sites web, ça se peut? Oui.
Ou en tout cas, plusieurs diffuseurs – et par « diffuseurs » j’entends pas mal tout le monde qui met de l’info à la disposition du public, que ce soient des médias traditionnels, des blogs, des influenceurs ou des commerces qui publient des informations pratiques – n’ont plus nécessairement besoin d’avoir un site bien à eux qui agit comme destination pour les personnes qui cherchent ces infos.
On connaît tous des commerces qui n’ont aucun site web propre. Ils sont sur Facebook, tout simplement. Et ça leur convient.
C’est possible, aussi, pour un média d’information de se défaire complètement de son site web.
« Quoi? Après 20 ou 30 ans à essayer de maximiser le trafic sur nos sites web pour pouvoir y mettre de la pub pour payer nos journalistes, on est sensé maintenant tout mettre ça de côté? »
Oui. Mais pas tout le monde. Et pas tout d’un coup.
Explications :
Quelques bémols
Pour commencer, j’ai quelques disclaimers et des notes en petits caractères à passer.
Ce qui suit ne s’applique absolument pas à tous les médias qui diffusent présentement de l’information sur un site web. Les médias qui voudront peut-être fonctionner sans site propre, ce sont les startups, les médias pour qui le web n’a jamais été rentable, ainsi que les médias pour qui les abonnements forment déjà leur principale source de revenus.
Le portrait que je vais dresser est aussi un portrait qui risque de se déployer sur le long terme. Donc même si tout ce que je dis s’applique à toi, ce n’est quand même pas demain que tu vas vouloir envoyer ton site web aux vidanges.
Mais quand même, avec chaque année qui passe, la force d’attraction de la vaste majorité des sites web va diminuer. Le tiens aussi. Alors sois à l’écoute!
Le site web comme destination
Mettons de côté l’aspect monétaire pour un moment. En fait, je ne parlerai même pas d’argent dans ce post. Je vais me concentrer uniquement sur l’utilité pour les internautes.
L’intérêt d’un site web, c’est d’avoir un lieu de rendez-vous pour tous ces gens qui vont vouloir lire (ou voir, ou entendre) toutes les belles choses que vous pouvez produire. Le web traditionnel, c’était ça. Avec des liens placés sur d’autres sites ou envoyés par courriel, on disait aux internautes « viens me voir à cet endroit et tu y trouveras toutes sortes de choses qui t’intéressent ».
Puis sont arrivés les Google et les Facebook de ce monde, et c’était encore mieux : on avait d’énormes outils pour attirer l’attention de nos publics et les amener vers nos sites. T’as une question? Tape ça dans Google et tu trouveras la réponse… Et puis ça tombe bien, la réponse est sur mon site! Tu doomscroll sur Facebook? Il y a deux ou trois de tes amis qui vont faire apparaître mes trucs sur ton mur.
C’était magnifique. Jusqu’à ce que ces nouveaux géants de la tech décident qu’ils préfèrent garder les gens sur leur plateforme plutôt que de les envoyer ailleurs. Maintenant, la réponse est glanée et affichée directement sur la page de résultats de Google. Plus besoin de cliquer nulle part. Et les liens qui sont affichés par la suite ne sont même pas bons : il faut passer deux pages et demie de résultats payés avant d’arriver à quelque chose de véritablement utile et impartial.
Et Facebook? Plus moyen d’avoir du reach avec un lien. Il faut faire circuler des photos et des vidéos directement sur la plateforme si on veut que ça soit vu par qui que ce soit. Et je ne parle même pas du blocage des nouvelles.
Ensuite, on a eu l’apparition de TikTok et d’autres outils de ce genre qui fournissent du contenu divertissant directement aux internautes. Avec pratiquement aucun moyen de les rediriger vers ton site web.
Tu vois où je m’en vais avec ça? Ton site web, c’est de moins en moins une destination de choix pour les internautes. Ils peuvent trouver l’info ailleurs, avec pas mal moins de friction. Et ce n’est même pas parce que ton site est poche : au contraire j’ai aucun doute qu’il est vraiment hot. C’est juste que c’est disponible ailleurs.
Si t’es pas convaincu, regarde ce graphique venant du Digital News Report 2024, produit par l’Institut Reuters. La tendance est claire : il est de plus en plus rare que les gens s’informent directement sur les sites web de nouvelles.
L’impact de l’intelligence artificielle
Jusqu’à présent, l’arrivée des LLM comme ChatGPT n’a pas trop chamboulé les habitudes de consommation des nouvelles. Et par le fait même, ça n’a pas eu un gros impact sur les médias d’information.
Mais ça s’en vient. Comme je le disais dans un autre post, il y a des observateurs comme la firme Gartner qui s’attendent à un changement d’habitudes dans un avenir pas trop lointain. Si ça se produit, Google perdrait 25 % de ses recherches. C’est déjà un bon coup contre le trafic redirigé vers les médias d’information. Mais on peut aussi s’attendre à ce que les 22 % de gens qui disent s’informer directement sur les sites web de nouvelles continuent de fondre comme neige au soleil : se faire expliquer une nouvelle par ChatGPC, c’est drôlement plus pratique!
Même si le changement n’est pas aussi brusque que cela, il est fort probable qu’il y ait un changement générationnel. De la même façon que les milléniaux et la génération Z ont abandonné la télé traditionnelle au profit de Netflix.
Le winner take most
Quand les Américains jouent au poker, ils aiment bien le format winner take all (« le gagnant remporte tout »). Dans la même veine, tu as sûrement entendu dire que sur internet, c’est plutôt le winner take most (« le gagnant remporte la majorité »).
Qu’est-ce que ça veut dire pour toi? Avant, ça voulait simplement dire que le site web le plus populaire dans ton marché allait capter la majorité de l’auditoire. Aujourd’hui, avec tout ce que j’ai dit ci-haut, ça veut dire que t’es dans une compétition à savoir quel site web va continuer à être une destination de choix pour les internautes.
Parce que, oui, certains sites le seront encore. Mais comme j’ai dit, ça sera un seul site par marché. Au niveau national, ça sera soit Radio-Canada, TVA, La Presse ou Le Journal de Montréal. Ça ne sera pas les quatre! Les trois autres, ainsi que Le Devoir, L’Actualité et d’autres sites du genre, tenteront tant bien que mal de garder la tête hors de l’eau. Et pour tous les autres… des miettes.
La situation sera la même dans chaque marché local et pour chaque sujet niché : un seul gagnant, beaucoup de « losers ».
***Là, on s’entend : je ne suis pas en train de prédire la mort de ces médias. C’est juste qu’il sera de plus en plus difficile d’engranger des revenus avec de la publicité à cause du manque de trafic sur leurs sites web. Il y a d’autres sources de revenus!***
Pour tous les « losers », il faudra trouver d’autres façons de rejoindre nos publics. Ça peut être les infolettres. Ou bien tu peux passer au mode social first, où tu publies directement sur les réseaux sociaux pour bâtir une communauté que tu pourras monétiser par la suite. Ou ça peut être toutes sortes de partenariats avec les acteurs de ton milieu.
L’intérêt du site web dans ce monde nouveau
Ceci étant dit, c’est pas le moment de scrapper ton site pour mettre la face du maire sur TikTok à tout bout de champ. Les sites web vont continuer d’avoir une certaine utilité. Seulement, ce n’est pas là que tu vas rassembler tes publics et tu ne vas probablement pas les monétiser avec de la publicité traditionnelle.
L’utilité du site, ça ressemblera plus à ceci :
1. Découvrabilité. Même si Google perd des plumes, il y aura encore des gens qui font des recherches sur cette plateforme-là. Il va falloir que tu sois trouvable. Une fois qu’ils sont là, tu vas pouvoir les rediriger vers les outils qui te génèrent de l’argent, comme une infolettre payante, un podcast, une chaîne YouTube, des réseaux sociaux monétisés, etc.
2. Abonnements payants. Tout dépendant de ta situation précise, il se peut que tu décides de continuer à utiliser ton site web comme destination. Peut-être que t’as remporté le winner take most. Ou peut-être que t’es deuxième ou troisième, mais t’as checké tes chiffres et t’as vu qu’une partie suffisante de ton public serait prête à payer pour certaines choses. Mets un paywall sur ton site, et le tour est joué!
Dans mon cas, mon produit principal c’est l’infolettre que je diffuse ici sur Substack. Oui, ça se trouve sur Google comme n’importe-quel autre site web. Mais l’objectif, c’est que tu t’abonnes à mon infolettre. Comme ça, tu évites la friction d’avoir à ouvrir ton navigateur et te rendre sur le site de Substack. À la place, tu reçois ça direct dans tes courriels.
(Actuellement, le contenu est gratuit. Mais éventuellement ça sera payant.)
To web or not to web?
Alors, on le garde ou pas le mautadine de site web? Réponse : ça dépend de ta situation précise. Et c’est pas en lisant un post sur un blog que tu vas pouvoir trancher, ça prend une expertise personnalisée.
Voilà la twist : tout ceci était un teaser pour attirer ton attention vers mes services de consultation. Tu veux savoir quoi faire avec ton site et où mettre tes ressources? Écris-moi, je serai ben content de faire toutes les analyses nécessaires pour t’aider à faire un bon plan. Et je peux t’aider à le mettre en place, en plus!