Le gars qui parle des médias

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En 2025, le monde journalistique devrait s’attendre à…
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En 2025, le monde journalistique devrait s’attendre à…

… curieusement, un peu plus d’espoir que ce qu’on pourrait supposer.

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Olivier Robichaud
janv. 23, 2025

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L’année 2024 a été un beau merdier pour plusieurs entreprises médiatiques, tout comme l’année précédente. En 2025, les défis sont encore énormes, mais la voie de la réussite est maintenant plus claire, du moment qu’on fait preuve d’innovation et de flexibilité. Voici un bref tour d’horizon de ce qui nous attend cette année.

Les mauvaises nouvelles

On commence toujours par les mauvaises nouvelles, n’est-ce pas? De l’IA aux élections fédérales, voici les principales embûches à affronter cette année.

Y aura-t-il d’autres coupures de postes?

L’année dernière a commencé avec l’abolition de 4800 postes chez BCE. L’année précédente, des coupures étaient annoncées chez TVA, Radio-Canada, la Coop de l’info et ailleurs, sans parler de la faillite de Métro. Mais, depuis, les coupures sont moins fréquentes. Les statistiques exactes sont difficiles à déterminer, mais la saignée semble ralentir. Pour l’instant.

L’industrie a-t-elle trouvé un point d’équilibre? Peut-être. Au moins, la confiance semble au rendez-vous dans la plupart des entreprises. Selon l’Institut Reuters, plus de la moitié des dirigeants de 326 médias à travers la planète ont confiance quant à leurs perspectives d’affaires.

Il ne faut toutefois pas se leurrer : les mêmes phénomènes qui ont mené à la perte de milliers d’emplois de journalistes au Québec au cours des dernières années sont encore présents.

L’élection probable de Pierre Poilièvre

Si la tendance se maintient, comme disait l’autre, le Canada aura un nouveau premier ministre ce printemps. Et il n’est pas très favorable aux journalistes.

Depuis son arrivée à la tête du Parti conservateur du Canada, Pierre Poilièvre a transformé son parti en champion de la « libre-expression » … principalement en s’opposant à toute mesure tentant d’aider les médias traditionnels ou à réguler le Far West du contenu diffusé sur les plateformes numériques. Pour lui, les trois principales mesures fédérales à cet effet (les lois C-18, C-11 et C-63) sont un « monstre à trois têtes de la censure ». Il raille aussi contre le crédit de taxe fédéral sur la main-d’œuvre, qui subventionne environ 35 % du salaire de la plupart des journalistes.

Et puis, il y a les menaces habituelles du PCC à l’égard de CBC/Radio-Canada.

Un gouvernement conservateur pourrait donc poser deux défis aux entreprises de presse :

1. Une diminution importante des revenus

2. Une ouverture beaucoup plus grande aux contenus clivants, non-vérifiés (voire mensongers) et malsains qui font concurrence aux informations journalistiques.

L’intelligence artificielle

Depuis le lancement de ChatGPT, la nouvelle génération de chatbots utilisant l’intelligence artificielle offre un accès plus direct que jamais à une information d’une qualité (généralement) suffisante pour les besoins des internautes. Sans nécessairement rediriger les internautes vers les sites web où l’information a été glanée (pour ne pas dire volée…).

Nous savons tous que c’est une menace pour notre industrie. Par contre, l’IA ne semble pas avoir eu un gros impact – jusqu’à présent – sur les habitudes des internautes. Même que la majorité des plus gros médias aux États-Unis et environ la moitié des plus gros joueurs au Royaume-Uni ont augmenté leur audience numérique en 2024.

Mais les LLM comme ChatGPT sont loin d’avoir atteint leur apogée. Comme le souligne Alan Antin, vice-président de la firme Gartner, il suffit qu’Apple se départisse de son entente avec Google pour que tout d’un coup les recherches sur iPhone se fassent principalement par un chatbot. Si ça se concrétise, Gartner prédit une diminution de 25 % des recherches sur Google.

Dois-je rappeler que l’entente entre Apple et Google fait partie des pratiques monopolistiques déclarées illégales par un tribunal américain?

Les recherches Google, c’est un peu notre vache à lait…

Les sautes d’humeur des plateformes numériques

Le trafic en provenance des différentes plateformes numériques, qu’il s’agisse des réseaux sociaux, des moteurs de recherche ou autres, est de plus en plus difficile à prévoir. En plus du blocage des nouvelles sur les réseaux de Meta, la plupart des gros joueurs de la tech incitent de plus en plus les internautes à rester sur leur plateforme plutôt que d’être redirigés ailleurs, et ce phénomène va s’accentuer en 2025.

Même les plateformes vers lesquelles les journalistes et les entreprises se sont tournés pour contrebalancer ces mesures ne sont pas des valeurs sûres. En mai 2024, LinkedIn, qui était devenu un refuge pour les utilisateurs déçus par Facebook, a réduit la taille des vignettes accompagnant les liens. Le but est d’augmenter la production de contenu directement sur la plateforme, ou encore de faire payer les utilisateurs pour avoir une vignette pleine taille. On a vu la même mesure ailleurs et chaque fois ce n’était que le début d’un processus qui n’a aucun avantage pour les médias d’information, qui dépendent des clics provenant des plateformes pour générer des revenus publicitaires.

Malgré tout ceci, il existe des initiatives visant à contourner les géants de la tech. Il y a le mouvement FreeOurFeeds qui vise à créer de nouveaux réseaux sociaux sur un modèle ouvert à but non-lucratif. C’est la même philosophie qui, au Québec, anime le projet La Nouvelle Place (j’en parlerai plus loin).

La crise de confiance se poursuivra

Comme industrie et comme profession, on n’a pas encore réagi adéquatement à la crise de confiance qui secoue les médias. Il existe des pistes de solutions, mais leur mise en pratique va à l’encontre de la culture et même du modèle d’affaires de l’industrie.

Les internautes font bien plus confiance aux individus qu’aux marques, alors que l’écosystème journalistique dans son ensemble est basé sur les marques. Le virage sera difficile, et la plupart des entreprises n’y arriveront pas.

Pendant ce temps, la profession dans son ensemble continuera d’être attaquée et vilipendée par nos politiciens, des deux côtés de la frontière.

Les bonnes nouvelles

Bon… maintenant qu’on a tous l’anxiété dans le tapis, voici quelques infos qui pourront nous remonter le moral.

Les 100 M$ de Google

C’est en 2025 que les 100 M$ que Google a versés dans le contexte de la loi C-18 seront redistribués aux entreprises de presse reconnues par le fédéral. L’argent est déjà dans les coffres du Collectif canadien de journalisme, il suffit de le redistribuer… avant que le robinet ne soit fermé par un nouveau gouvernement.

La vitesse est de mise ici. Il ne faudrait pas qu’un éventuel gouvernement conservateur ne renvoie l’argent à Google avant même qu’on ne puisse en voir la couleur. Malheureusement, le gouvernement Trudeau n’est pas connu pour sa vitesse d’exécution. Le crédit d’impôt sur la main-d’œuvre avait été annoncé en 2019, mais rien n’avait encore été fait en 2020 quand le confinement faisait fondre nos revenus.

Je m’en souviens, j’avais dû mettre à pied la moitié de mon équipe…

IA : ententes et poursuites

Pendant ce temps, les ententes entre OpenAI et divers groupes de presse se sont multipliées l’année dernière. Tout comme les poursuites.

Radio-Canada, le Toronto Star et d’autres médias canadiens ont lancé leur propre poursuite en novembre, mais celle qui nous donnera rapidement un aperçu de l’avenir est la poursuite combinée du New York Times, du New York Daily News et du Centre for Investigative Reporting. Le juge dans cette affaire prépare déjà sa décision sur la motion d’OpenAI pour faire rejeter la cause. Si elle est maintenue, nous pourrons suivre les débats sur le fond.

On pourra ensuite affûter nos propres armes. Et potentiellement signer des ententes beaucoup plus lucratives – et équitables! – avec OpenAI et les autres.

La Nouvelle Place et FreeOurFeeds

Plus personne ne croit à la bienveillance des géants de la tech. Et nous – comme journalistes et comme citoyens – ne sommes plus au stade où nous croyons devoir plier l’échine devant un monstre qu’on ne comprend pas afin de maintenir notre pertinence dans le monde. Nous avons un pouvoir d’action, et plusieurs personnes ont saisi ce pouvoir à deux mains.

Comme je le mentionnais, le mouvement FreeOurFeeds tente de créer tout un écosystème de réseaux sociaux autour du « AT Protocol », cette technologie décentralisée qui sous-tend Bluesky. Sauf que, contrairement à Bluesky, ce mouvement ne veut pas être financé par le capital-risque.

C’est dans cette mouvance que s’inscrit La Nouvelle Place. Lancé en 2023 à l’initiative de l’entrepreneur et ex-journaliste Steve Proulx, ce projet prend la forme d’une coopérative. Selon le site web de l’organisme, l’éventuel réseau social sera géré comme un « service public » – c’est-à-dire dans l’intérêt des utilisateurs plutôt que des actionnaires et des investisseurs.

Est-ce que La Nouvelle Place verra le jour en 2025? On verra. Et on l’espère.

L’intérêt accru pour les abonnements

Devrait-on mettre le contenu journalistique derrière un mur payant quitte à perdre la majorité de l’auditoire, ou bien tout offrir gratuitement pour avoir le plus grand auditoire possible et le monétiser avec de la publicité?

Historiquement, c’est le choix qui s’offrait aux médias numériques.

Et bien, les géants de la tech ont choisi pour nous. Par leur gourmandise, ils ont réduit à néant la rentabilité de la publicité traditionnelle et puni toute forme de publicité qui n’entre pas dans leurs poches.

Plusieurs médias – traditionnels et alternatifs – se sont tournés vers les abonnements payants. Et la réponse des internautes est positive… si et seulement si le contenu produit répond à leurs besoins.

Les dernières données canadiennes du Digital News Report, produit annuellement par l’Institut Reuters, montrent une augmentation de la proportion d’internautes abonnés à des médias d’information. Les francophones sont un peu à la traîne – ce qui est généralement le cas avec le numérique – mais même parmi nos concitoyens francos, les abonnements sont plus nombreux qu’avant la pandémie.

Ce n’est pas une panacée, il faut quand même diversifier les sources de revenus. Mais les abonnements font partie d’un playbook de plus en plus clair.

La diversification des sources de revenus

Et, justement, nous allons voir davantage de médias diversifier leurs sources de revenus avec des moyens toujours plus originaux. L’exemple le plus éloquent est le New York Times, qui combine la publicité traditionnelle, le contenu commandité, les abonnements, les événements, les revenus d’affiliation, les licences et le commerce au détail. Sans parler de l’offre de contenus non journalistiques (notamment les jeux) qui augmentent de beaucoup l’attrait d’un abonnement.

Mais il n’est pas nécessaire d’être un des plus gros médias au monde pour être rentable. Chez nous, Les Affaires et ses magazines affiliés ont un bon mix de publicité, de contenu commandité et d’événements. La Presse et Le Devoir s’en tirent bien avec le modèle caritatif. Sans parler des plus petits joueurs qui, chacun de leur côté, trouvent des façons innovantes de monétiser leur travail en fonction de leurs réalités bien spécifiques.

Les nouvelles possibilités pour les journalistes entreprenants

Et puis, il n’est pas nécessaire de faire partie d’une entreprise de presse pour être journaliste. Il est plus facile que jamais pour un jeune journaliste de faire sa marque seul – et faire de l’argent!

En 2025, la plupart des internautes (surtout les jeunes) font davantage confiance aux individus qu’aux marques. Alors un journaliste entreprenant a tout à gagner à se défaire du lourd carcan d’un média traditionnel pour s’adresser directement à son public. Et pourquoi pas en adoptant les codes et les formats des influenceurs?

Dans le métier, on connaît tous les cas de Pivot et de La Converse, deux médias alternatifs lancés par des journalistes. Mais j’aimerais aussi qu’on porte une attention aux journalistes qui ont sauté à pieds joints dans « l’influento-sphère » (j’assume ce néologisme). Par exemple, Rachel Gilmore, ex-journaliste de CTV et Global News qui vit maintenant du contenu qu’elle produit pour son infolettre et ses réseaux sociaux.

Pour les entreprises établies, c’est peut-être un peu anxiogène comme perspective. Qui veut faire face à la compétition de chaque ti-coune qui sort de l’école? Mais c’est une option qui peut faire vivre le journalisme sous une nouvelle forme.

Pour creuser plus loin

Voilà mon appréciation de ce qui nous attend en 2025. Mais je n’ai pas sorti tout ça de mon chapeau! Pour en savoir un peu plus, je vous suggère quelques sources additionnelles :

Le rapport complet du Digital News Report et autres publications de l’Institut Reuters : https://reutersinstitute.politics.ox.ac.uk/

Le livre blanc de Cision sur l’état des médias : https://www.cision.fr/ressources/livres-blancs/telechargement-rapport-mondial-sur-l-etat-des-medias-2024/

J-Source, un observatoire chapeauté par les principales écoles de journalisme du Canada : https://j-source.ca/

MediaPolicy.ca, un blog fondé par un ex-représentant syndical du monde des médias : https://mediapolicy.ca/

Le Shorenstein Center on Media, Politics and Public Policy : https://shorensteincenter.org/

The Markup, un media spécialisé en enquêtes sur les géants de la tech : https://themarkup.org/

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